Méthotrexate administré à une femme enceinte à terme

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Méthotrexate administré à une femme enceinte à terme

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  • Une femme enceinte alitée à l'hôpital - La Prévention Médicale

L'administration d'un médicament, par quelque voie que ce soit, doit répondre à la règle des 5 B : la Bonne dose du Bon médicament, au Bon patient, au Bon moment, par la Bonne voie d'administration. L'erreur médicamenteuse est la 3e cause d'événements indésirables graves liés aux soins en France, et la moitié est jugée évitable. Le contrôle de cohérence au lit du patient (identité - prescription - produit à administrer) constitue la dernière barrière de sécurité.

Auteur : Candice LHAUTE, Sage-femme / MAJ : 16/01/2025

Présentation du contexte

Mme D. est une primipare de 29 ans, hospitalisée à la maternité en chambre 206 pour rupture de la poche des eaux à 39 SA.

La grossesse a été obtenue par FIV avec transfert d’embryon congelé et s’est déroulée sans problème ; le fœtus est estimé eutrophe. Le RCF (rythme cardiaque fœtal) à l’arrivée à la maternité est normal, il n’y a pas de contractions, le liquide amniotique est clair. Le col est postérieur court ramolli ouvert à 1 doigt large, la présentation céphalique est appliquée.

Mme O. est une 3e geste, venue consulter aux urgences gynécologiques pour un suivi de grossesse de localisation indéterminée (GLI) : elle est à 6 SA théoriques. Les BHCG sanguins et l’échographie pelvienne réalisés aux urgences orientent le diagnostic vers une grossesse extra utérine (GEU) ; la patiente, après avoir reçu toutes les informations du gynécologue de garde, accepte de recevoir une injection de méthotrexate, nécessaire dans ce contexte. Elle est alors hospitalisée dans le service de maternité comme il est d’usage, en chambre 205. La prescription est faite par le gynécologue dans le dossier informatisé de la patiente.

Du fait d’une activité de service très chargée, Mme O. ne peut immédiatement bénéficier de l’injection ; le changement d’équipe intervient 1 heure après son hospitalisation, à 20 h.

L’équipe de nuit composée d’une sage-femme (SF) et d’une infirmière (IDE) participe aux transmissions : les deux professionnelles se répartissent la charge de travail et les différents soins à réaliser. L’IDE n’ayant jamais réalisé la préparation du méthotrexate, la SF lui propose de le faire ; ensuite, l’IDE se rend en chambre 206 pour réaliser elle-même l’injection. Elle ne vérifie pas l’identité de la patiente.

En sortant de la chambre, l’IDE réalise qu’elle s’est trompée de patiente et qu’elle a injecté le méthotrexate à Mme D., enceinte de 39 SA, au lieu de Mme O., pour sa GEU : elle prévient immédiatement la SF, qui téléphone au gynécologue de garde pour signaler l’erreur. Ce dernier prend conseil auprès du pédiatre, qui préconise de contacter le Centre de Référence sur les Agents Tératogènes (CRAT)et le Centre Pluridisciplinaire de Diagnostic (CPDN).

Dans l’attente de la conduite à tenir, la SF réalise un monitoring pour s’assurer du bien-être de l’enfant : il est normal. Dans le même temps, le gynécologue avertit son collègue d’astreinte de l’événement, et vient informer Mme D. de l’erreur médicamenteuse et des conséquences possibles.

L’hôpital Necker préconise alors un déclenchement dans le contexte, étant donné que le col est favorable ; Mme D. se trouve d’ailleurs être en début de travail, la SF l’accompagne en salle de naissance. 

De retour dans le service de maternité, la SF prépare une nouvelle seringue de méthotrexate et l’injecte à Mme O., qui peut regagner son domicile 2 heures plus tard.

Au passage de la cadre de nuit, l’IDE signale de nouveau cette erreur, une fiche d’événement indésirable est alors réalisée. L’IDE se sent mal et demande à rentrer chez elle : elle quitte le service avec l’accord de la cadre de nuit.

Mme D. accouche finalement à 6 h 45 d’un enfant en bonne santé : dans le contexte, il est décidé de l’hospitaliser en néonatalogie pour surveillance. Les avis des experts du CRAT, du centre de pharmacovigilance de l’hôpital Georges Pompidou, de l’unité d’immunohématologie pédiatrique de l’hôpital Necker et du service d’oncologie de l’hôpital convergent : le risque de toxicité est peu élevé, une surveillance rénale, hépatique et hématologique à J3 et J5 sont recommandées ainsi qu’un dosage de méthotrexate chez la mère et le nouveau-né ; tous les résultats reviendront normaux et la patiente pourra regagner son domicile à J4.

Méthodologie et analyse

Une analyse de cet événement indésirable est réalisée a posteriori à l’aide de l’analyse des dossiers patients et d’entretiens téléphoniques avec les professionnels impliqués.

La méthode ALARM est retenue.

Cause immédiate

Erreur dans la réalisation d’une prise en charge médicamenteuse.

Causes profondes

Barrières de défense

Pistes de réflexion et d'amélioration

  • Rappel au personnel de l'importance de vérifier +++ l'identité des patientes avant toute administration de médicament et la cohérence entre identité-prescription et produit à injecter.
  • Mise en place de check-lists : imposer l'utilisation systématique avant l'administration de médicaments (par exemple : vérifier l'identité du patient avec son bracelet, ou sa carte d'identité, ou en lui demandant d'énoncer son identité).
  • Améliorer les protocoles existants en incluant des étapes supplémentaires de vérification pour minimiser les erreurs humaines.

 

Cet événement indésirable médicamenteux était évitable : le professionnel qui prépare le médicament doit aussi être celui qui l'injecte. De même, l'identitovigilance est au cœur de cette erreur : ici la règle du "Bon patient" a été défaillante, d'autant plus hors de tout contexte d'urgence vitale. La vigilance sur ce point doit être primordiale et constante afin de garantir au patient la qualité et la sécurité des soins.